Ca fait plusieurs fois qu’on me fait la même blague et j’avoue que je commence à m’en lasser… un magazine ou un site internet me contacte pour une interview au sujet de la grossesse végétarienne et végétalienne, l’interview se déroule à merveille, je suis écoutée, je me réjouis de constater que les médias s’intéressent de plus en plus à ces questions, et puis lorsque je découvre le magazine ou la page publiée quelques temps plus tard, je constate que le journaliste avait omis de me prévenir qu’il s’agissait d’une double interview comprenant plusieurs « experts » sur le sujet. Et, bien entendu, à chaque fois, l’autre « expert » apporte une forme de contradiction en tenant des propos plus ou moins opposés aux miens. Je n’ai aucun problème avec la contradiction mais là, il s’agit juste pour ces médias de transmettre le message qu’ils jugent eux mêmes acceptable. Et, à chaque fois ce message va dans le sens d’un énième nutritionniste qui vous explique que végétarien ça peut aller à condition de se gaver d’oeufs et de produits laitiers et qu’en revanche le régime végétalien est dangereux pour la santé.
Je constate qu’au final, c’est ce qui ressort de ce type d’article, bien malgré moi et tout simplement parce que c’est cela le message que les journalistes choisissent de transmettre. Ainsi, le « contradicteur » est savamment choisis parmi les croisés des saints produits animaux dont l’humanité aurait, à les écouter, absolument besoin pour survire (paradoxe puisqu’on apprends en ces temps d’urgence écologique que ce sont des ces mêmes produits qui nous condamnent… et pas juste nous, hein, nous et toutes les futures générations mais passons…). Je m’inquiète car je sais que la plupart des personnes lisant ces articles n’iront pas vérifier les informations données, qu’il suffit d’un label « nutritionniste » ou « médecin » pour que l’on se fies à des déclarations dont on ne sait pas vraiment au fond sur quoi elles s’appuient.
Et pourtant… il suffirait de quelques clics pour vérifier. En ce qui me concerne, les nutritionnistes et médecins défenseurs des produits animaux que l’on m’oppose sont en général des personnes peu recommandables. Quelques clics pour vérifier qu’un tel ou un tel donne en parallèle des interviews sur des sites appartenant aux lobbies du lait et de la viande, se font financer leurs conférences par ces mêmes lobbies, bref, qu’ils ont beaucoup beaucoup d’argent à gagner en déclarant partout dans les médias que le lait et la viande sont indispensables à l’équilibre alimentaire. De mon côté, je ne gagne rien. Comme beaucoup d’auteurs indépendants je survie et je fais plusieurs métiers. J’en suis maintenant à mon cinquième livre sur le végétarisme et je peux vous dire, les bonnes années, je gagne environ 2000 euros par an… difficile de vivre avec ça sauf à aller m’installer au Bangladesh mais bon…drôle de calcul pour un business! Je le dis en toute honnêteté et parce que je suis fatiguée qu’on m’oppose sous couvert de pseudo neutralité des personnes sensées informer mais qui nagent jusqu’au cou dans le conflit d’intérêt, je n’ai jamais fait ce que je fais pour l’argent, j’ai publié mon premier livre à une époque où il n’y avait encore aucun livre sur le sujet, bien avant que les médias s’y intéressent. Nous n’avions droit qu’au silence et au mépris. Mais pour moi ça n’avait pas d’importance, c’était essentiel de le faire. Je suis, j’ai toujours été, une militante, et je continuerai quoi qu’il arrive, à me battre pour transmettre un message que j’estime non seulement juste et légitime mais vital dans le monde dans lequel nous vivons.
Toutes ces expériences m’ont permis d’acquérir la conviction qu’il est plus que jamais indispensable pour chacun d’entre nous de se sortir d’une position de consommateur passif et forger ses propres opinions sur des faits solides, sur des connaissances réelles. On appellerait ça en anglais de l’ « empowerment ».
Je voudrais dire ici ce que je dis à chaque conférence que je donne, à chaque personne qui m’interroge: ne me croyez pas sur parole! Allez voir vous mêmes, regardez mes sources, vérifiez ce que je dis. Vérifiez les informations que l’on vous donne, questionnez les. Lorsque vous pensez savoir quelque chose (et là je parle de nutrition mais en réalité cela s’applique à tous les domaines), demandez vous d’où vous tirez cette conviction, d’une source fiable ou d’un préjugé, d’une croyance ancrée si fort dans nos esprits par la publicité, les millions dépensés chaque année par les lobbies, les croyances dépassées… De part ma formation universitaire, j’ai appris à toujours citer mes sources et je ne donne jamais une information qui relève de mon opinion personnelle pure mais je constate que ce n’est pas le cas de nombres d’auteurs.
Je vais donner un exemple concret qui me concerne directement: combien de fois ai je vu dans les médias et même dans des livres « sérieux » des personnes, experts, médecins, bloggeurs cuisine que sais-je, déclarer « le végétarisme pour les enfants c’est possible en revanche le régime végétalien est dangereux, cela fait des enfants comme ceci ou comme cela »… et bizarrement, je remarque que ce type de déclaration n’est jamais (je dis bien jamais, y compris lorsque c’est un grand professeur en médecine qui s’exprime) étayée par une étude scientifique. En revanche, je peux vous citer maintenant plusieurs études sérieuses montrant que les bébés élevés avec une alimentation essentiellement végétales sont en excellente santé. Montrez moi l’étude prouvant que le végétalisme est dangereux et produit des bébés malingre, je serait tout à fait disposée à l’entendre et revoir mon point de vue… oui mais voilà, cette étude n’existe pas! Nous sommes donc ici face à de simples déclarations d’opinions personnelles basées sur on ne sait quoi. Pour moi, cela devient problématique lorsque cela contribue à maintenir la population dans un analphabétisme total en matière de nutrition et de santé. Quand cela contribue à faire le jeu des lobbies de la viande et des produits laitiers. Quand cela maintient le public dans un flou volontaire qui ralenti les changements dont notre monde a tant besoin.
Mais je ne veux pas finir sur une note si noire. La bonne nouvelle c’est qu’on en parle, nous ne sommes plus invisibles ou muets. La bonne nouvelle, c’est que les informations fiables, sources, scientifiques sont là, à portée de main pour toute personne qui souhaite réellement être informée. Nous avons tous une responsabilité et un pouvoir immense et, j’en suis convaincu, cela passe par là, reprendre le pouvoir, ne jamais croire sur parole les informations que l’on reçoit.
Et voilà aussi une bonne leçon pour nous militants, n’assenons pas nos vérités à tout un chacun, encourageons tout un chacun à penser à par lui même, je suis certaine que c’est comme ça qu’on fera avancer les choses.
#pensezparvousmeme
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Katie Chabriere (samedi, 29 juin 2019 15:12)
Keep going Helene, never give up! Thanks to you persisting with these interviews at least the other side of the story is being heard, and I hope that people will check their facts!